jeudi 18 novembre 2010

Jeune, vieille, dent.

D'abord je dis que, d'abord je dis rien.
Sinon, on commence:
Mes visites chez le dentiste sont rares mais intéressantes, parfois même au delà de ma dentition, je me souviens par exemple de cette phrase remarquable de l'un d'entre eux: "le réel c'est la merde", ce à quoi il ajoutait qu'il le savait, il avait les mains dedans... il sous entendait au passage, je crois, qu'il n'y avait que les intellectuels pour vouloir à tout prix y retourner, au réel, mais que, sinon, un contact quotidien était largement suffisant et ne donnait pas envie d'en voir beaucoup plus... Je ne ferai aucun commentaire sur cette phrase pour l'instant parce que... parce que j'en suis incapable rapidement mais surtout parce que c'est la phrase, plus récente et moins marrante peut-être, d'un autre dentiste, nouveau, qui m'y a fait penser.
La phrase du dentiste inconnu, nouveau donc inconnu: "je crois que nous étions moins racistes avant, les bougnoules, on les insultait mais on était moins raciste." Hop hop, au détour de pas grand chose, comme ça, le matin, après détartrage, le mot "bougnoule". C'est d'ailleurs en l'entendant dans ce contexte a priori policé, beau cabinet luxueux, que, pour la première fois de ma vie, je me suis dit que, bon, c'est vrai, on sait tous que le politiquement correct c'est mal mais que parfois le politiquement nature, sans argumentaire ou complicité, ça fait bizarre, quand même.
Et, la suite de la conversation ayant été vague -ça, ça veut dire que j'ai pas dit grand chose sur le mot bougnoule en temps et lieu, à part peut-être une petite allusion mollement ironique - je me vois obligé de revenir sur le mot avec deux interprétations possibles: soit dans un éclair de génie mon nouveau dentiste se mettait en danger en citant les mots qu'il utilisait quand il était enfant et/ou jeune homme tout en montrant avec violence comment sa génération et son milieu avaient pu être verbalement agressifs et le dénonçait, soit il ne réalisait toujours pas, tout simplement. Evidemment un peu des deux mais surtout de la deuxième car la suite de la conversation prouva, sans qu'il décrie réellement cet état de fait, qu'il pensait qu"'on" était plus raciste maintenant dans la mesure où il fallait se tenir, tenir son langage, et que cela provoquait une certaine rancoeur, du style :"je t'aime bien mais maintenant que je ne peux plus t'insulter gentiment, user d'une moquerie condescendante ou quoi que ce soit de ce genre, ça m'oblige à faire un effort qui me coûte et du coup, je t'avoue, tu me fais un peu chier."
C'est peut-être là qu'on voit bien, tarte à la crème, comment le racisme est, aussi, bien social puisque "je t'aime bien"  c'est tant que tu es mon inférieur, épicier, maçon mais ne t'avise pas de vouloir avoir à peu près la même chose que moi; c'est peut-être là qu'on voit que cet homme assez lucide pour dire aussi que ça avait été exactement la même chose avec les italiens en leur temps et allant jusqu'à dire, ce qui peut aussi se discuter si vous voulez, qu'il ne faut pas croire qu'il y ait un problème particulièrement maghrébin (voilà enfin un mot politiquement correct) en France, cet homme qui au final déplore le racisme ambiant,  n'arrive pas malgré tout à se séparer de certains mots -ou n'arrive pas à faire en sorte que j'en saisisse la dimension hypocoristique, oui monsieur, oui madame.
C'est là qu'on ajoute que c'est peut-être pas génial qu'en France les anciens jeunes soient définitivement plus nombreux que les nouveaux jeunes, encore que, ils sont un peu débiles ces jeunes, avec leur internet, leur paresse et puis...Stop.
Ah, si, je crains malgré tout que, dans le doute, mon nouveau dentiste soit déjà mon ancien dentiste... quoi que ce ne soit pas non plus pas vraiment sûr. Il est vraiment pas loin.

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