lundi 27 décembre 2010

John et Teddy Colère, vieilles caraques.

Pendant les fêtes nous nous croisons, c'est presque la famille. On s'évite, naturellement, mais il faut bien qu'on se croise... C'est difficile de se tenir.
Je craque le premier, je lui crache au visage. Il ne réagit pas. Alors je me mets à hurler qu'il ne vaut pas la moitié de ce crachat qui dégouline sur lui. Alors il me répond qu'il doit encore moins valoir cette salive que j'use à lui parler. Et que par conséquent je suis un sombre crétin à la dépenser ainsi.
Je me tais et un grand sentiment de honte m'envahit, parce que je me suis tu. Il sourit, je recrache, c'est plus fort que lui, il m'en colle une, on se bat. Pas longtemps, après quarante ans on a très mal assez vite.
Que se reproche-t-on?
Je ne sais pas. Il a suivi toutes les modes, il a tout le temps eu un succès phénoménal, je suis resté moi même, j'ai un succès suffisant, c'est tout. Je n'ai trahi personne. Il me dit que ça n'a rien à voir, qu'il est malgré ça resté le même et que ce n'est pas parce que je suis resté le même que je suis resté moi même. Que je le sais.
C'est noël, on boit une autre bière et on bave un peu parce qu'on s'est pété les lèvres et qu'effectivement malgré tout on est vieux.

mardi 7 décembre 2010

Kéké Pento (titre putassier pour attirer du gens)

"J'ai mal au dos, je me sens vieux, je me sens moche, en plus, regarde, j'ai de la brioche."
Regardez mes yeux morts, regardez mes varices, je n'arrive même plus à articuler une phrase, je n'arrive plus à dormir, ni aller au boulot, ma femelle est partie, mon homme s'est fait la malle et comme quand j'étais petit j'étais sensible à mort, je souffre au delà de ce que veut la raison : à petite dépression, grande exposition.
Technique Pierre et le Loup.
Pourtant y a une possibilité autre que le bruelien, "alors regarde, regarde un peu": il y a la mise en scène. Celle qui fait que lorsque M. M était au plus mal dans sa vie, et parce qu'il n'avait pas non plus touché le fond, il allait chez le coiffeur, mettait des chemises élégantes, achetait des jeans à la mode et choisissait les shoes les plus classes - dans ses prix. La mise en scène, ce n'est plus la technique du "je vous demande de regarder comme je vais mal avant que vous ne voyiez que je vais mal" c'est la technique du, "non, pourquoi?" Technique parfois tapageusement discrète, c'est ce que M.F. , je cite en trafiquant les initiales, appelait l'exosquelette: tu n'a plus de structure interne tellement la vie t'a..., pardon tellement tu as mal encaissé ta vie, petite fiotte, alors tu trouves des structures externes. "Tu n'as pas le menton bien dessiné? ajoutait-il, laisse toi pousser la barbe."
De la chemise donc soigneusement repassée comme début de port de l'uniforme, celui qui te cache et te solidifie, t'entérine, le chasuble ample de la nouvelle religion qui va te sauver la vie.
Alors pourquoi Kéké Pento? Parce que lorsque tu vas te moquer, méchamment ou gentiment, du mec que tu trouves insupportable parce qu'il sort de sa golf -ou de l'équivalent moderne- avec sa casquette artistement déchirée, ses lunettes de soleil vintage, sa barbe taillée au laser, son bronzage, son chewing-gum, ses tongs, tu te seras peut-être moqué d'une âme perdue qui essaie un peu de faire en sorte, sans le savoir parfois c'est encore plus beau, que tout ne déborde pas et fuite...
D'ailleurs, comme je suis un saint, moi, je me moque pas, non, jamais, j'ai seulement parfois l'impression, la vision dans le cerveau, exactement, quand j'ai mal dormi surtout, que cette voiture est la couche supérieure d'un oignon, cette casquette une couche un peu inférieure, le pento, les vêtements, le manteau, la chaîne vaguement religieuse ou familiale une autre couche, la gourmette avec le nom, les poils comme grand papa, le scalp, le cerveau, les idées, les citations de Cioran, de Marx, de Kurt Cobain, le caleçon H. Landers: d'autres couches protectrices encore et que tu peux les enlever à l'infini.
L'infini? Quand tu as fini de peler l'oignon humain il n'y a plus rien que le vide, alors sois gentil avec Kéké Pento, comme toi, pardon, comme moi, ce n'est pas un très gros oignon.