mardi 4 juin 2019

L'homme détruit (1)




Il serait peut-être temps d’assumer de partir du mouvement de la parole. Classe. Qui dit cela ? Que pense-t-il quand il dit cela ? Et en ce qui nous concerne ici,
Elle part quand la parole ?
Fin décembre ? Début janvier ?
Même les dates de ma propre vie je ne m’en souviens pas.
Il faut que je les cherche, que je les retrouve. Naissance : le 17, naissance de qui ? Naissance du petit : le 2. Petit, petit, est-ce que c’est bien de l’appeler comme ça, le petit ? En tout cas ça rappelle d’où tu viens, on dirait comme ça de par chez toi : le petit. Enfin une partie des tes ascendants aurait dit comme ça. C’est sincère. C’est involontaire. C’est signé.
Bien. Passons à autre chose.
On n’existe pas. Enfin : « on » n’existe pas. Sinon j’aurais dit : on existe pas. C’est une phrase de psy, de mon psy : au cours d’une interview que je donnais allongé sur son canap et dans lequel j’étais pas mal en roue libre, il ou elle me coupe et me dit qui ça « on » ? « On » ça n’existe pas. Faudrait presque un point d’exclamation pour que ça tranche mais y avait pas tant d’émotion : une vérité définitive n’a pas besoin de se nourrir d’une quelconque émotion. Sèche.
Mais si, le couple, la famille, les gens, le groupe. Que j’avais rétorqué, timidement. Agressivement parce que timidement.
Ça n’existe pas. Ne vous faîtes pas plus bête que vous n’êtes.
Cette dernière phrase je la rajoute maintenant mais elle a dû être prononcée à un autre moment, une autre occase.
Bien.

Mais on s’est retrouvé entre deux feux, ça devait être fin décembre. Il faut que je demande aux autres….
ça avait commencé avec un tract, on était tous à peu près d’accord pour dire qu’on dénonçait, disons qu’on refusait la violence de tout le monde. Et puis au dernier moment l’un d’entre nous, ou l’une d’entre nous, a dit qu’on ne pouvait pas mettre sur le même plan la violence policière, la violence d’Etat, putain de majuscule, et la violence lycéenne, et la violence des casseurs. On, une partie de on, a répondu que la violence lycéenne on ne la dénonçait pas car les lycéens n’étaient pas violents si ce n’est périphériquement, si ce n’est principalement pour se défendre mais que la violence des casseurs oui. Alors il ou elle a dit qu’il ou elle ne pouvait pas signer le tract. Parce qu’on était ici pour dénoncer la violence policière, la violence d’Etat, et c’est tout. Pour ce qu’ils en avaient à foutre, soit dit en passant, ceux qui n’allaient pas lire le tract.
Les généreux fascistes.
Le tract on l’avait dicté, rédigé, commenté au bar. Enfin pas vraiment un bar, un café restauration à quelques encablures du lycée. On y avait pris des habitudes, on s’y rendait tous les matins de blocage. Il se la jouait Liverpool, on aurait dit, des briques à l’anglaise sur les murs. Mais le café est bon et souriant. Et il fait chaud dedans. Parce qu’on va pas rester des heures non plus à faire les pieds de grue dans le froid : on reste si des poubelles brûlent pour contrôler que personne ou rien d’autre ne crame mais dès que la température baisse, café.
Qu’est-ce qu’un blocage : les lycées mécontents, à raison, de réformes empêchent les professeurs, complices évidemment, les putes lâches (je), pire encore, manipulateurs de cerveaux prêts à tout pour ne pas travailler, les lycéens mécontents donc et n’ayant d’autre moyen de faire remonter leur mécontentement bloquent les entrées du lycée avec les poubelles du quartier, grimpent dessus et selon stagnent gentiment, dansent, crient, agitent des banderoles tellement faites à l’arrache qu’on dirait qu’elles ont été bombées en 1977. Au début.
Donc blocage, un jour, deux jours, une semaine, deux semaines, un mois, presque deux mois ! Belle stat. Ça en fait des cafés vendus et achetés. Des viennoiseries. Pour finir sur le tract et un peu parler bagnole, aller voir comment ça s’est passé sur le terrain je me souviens qu’après ce micro débat sur l’origine des violences et le discours officiel qu’il convenait d’adopter face à elles, je suis rentré à la maison en pestant, me suis abruti devant facebook et ai vu ce « com » d’un vieux roublard un peu communiste mais plus que cela, et je dis cela sans même savoir qui c’est, magie de la communication : casseurs, alliés objectifs de la police.
Donc la casse, la rue, les bagnoles.
C’était comment ?


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