Pour faire un quatrain sans forcer...
1° Inventer une sentence:
L'inquiétude et la tristesse se transforment en colère et la colère détruit.
2° Changer un mot trois fois.
... et la colère libère... et la colère s'enfuit...et la colère ennuie...
3° Ajouter
L'inquiétude et la tristesse se transforment en colère et la colère détruit.
L'inquiétude et la tristesse se transforment en colère et la colère libère
L'inquiétude et la tristesse se transforment en colère et la colère s'enfuit
L'inquiétude et la tristesse se transforment en colère et la colère ennuie.
Facile, peut-être un peu lourd.
Allégeons:
L'inquiétude et la tristesse se transforment en colère et la colère détruit
Et la colère libère
Et la colère s'enfuit
L'inquiétude et la tristesse se transforment en colère... et la colère ennuie.
Mais, baste, le véritable avantage est ailleurs: ce que vous avez écrit annonce votre futur car la sentence faussement morale reflète un état d'âme que vous n'osez pas affronter, qui affleure et qui ne va pas tarder à sortir -à votre insu- et le fait de varier multiplie les possibles, et multiplie par quatre les chances que cet "état de l'âme" s'incarne dans un geste du quotidien à venir.
Moralité: la broderie la plus simple, la plus mécanique peut devenir de la peinture sur soi(e) sur laquelle on peut lire l'avenir.
lundi 29 novembre 2010
jeudi 25 novembre 2010
Hagiographie Marcelle (dans les veines de, coule l'amour du soldat.)
J'essaie pour la quinzième fois de lire en entier A la Recherche du Temps Perdu par M. Marcel Proust.
Pour la première fois à l'admiration fatigante et sincère s'ajoute du plaisir sans arrière pensée et c'est peut-être tout simplement parce que j'ai accepté d'y aller mollo, c'est-à-dire de relire trois fois la même page s'il le faut ou -surtout-de la sauter en m'en foutant. Mon plaisir à cette lecture c'est, textuellement, des petites pastilles qui pètent dans mon cerveau au détour de certaines phrases et qui me font dire parfois avec gravité, "putain comme il est fort ce con à dire ce que parfois je ne suis même pas certain de ressentir." Y aller mollo, oui, donc, avec des sous entendus graveleux et aucune distinction.
A part ça la seule chose à dire que j'ai à dire sur Marcel Proust c'est que je trouve qu'il est un garçon éminemment sympathique ( même si, je me l'accorde, il peut être un peu chiant, avec son côté bien élevé... et le point de la fin du chapitre tombe parfaitement et ça va bien avec les fleurs blanches que trucmuche... qu'importe il est avant tout sympathique) et ça change d'autres, je pense au grand épouvantail insortable que j'aime encore beaucoup malgré tout, M. Celine, ce gentil garçon au sourire si doux, évidemment.
De mon point de vue débile, de mon faible point de vue, la distinction homme/oeuvre n'est même pas très intéressante: je suis là pour dire que Marcel est sympathique et je m'appuie sur deux choses qui me reviennent en mémoire.
La première est le témoignage télévisuel de Céleste Albaret (sa dame de compagnie, au sens le plus chevaleresque du terme, ne dénotons pas). Ce témoignage, je ne ferai que le citer: je n'ai rien à en dire, je l'ai pas vu depuis dix ans, je ne m'en souviens presque même plus, mais il faut vraiment que mon putatif lecteur et demi aille le (re)voir sur youtube - c'est disponible, dans le désordre on dirait, c'est mal foutu, j'ai vérifié- pour être ému un peu s'il n'est pas trop insensible ou ricaner s'il est trop sensible, c'est une bonne technique de sensible, le ricanement.
La deuxième c'est une photo que je ne retrouve pas sur internet mais que j'ai dû voir chez ma mère : Marcel est sur un avion au sol avec son chauffeur, il est amoureux de lui, il paraît, et on dirait, il porte une immense fourrure et il prend l'air sérieux mais on sent qu'il est content, il a offert cet avion, ou un autre, à son chauffeur qui à l'air heureux lui aussi et Marcel Proust a l'air à la fois mignon et mac, ce qui est toujours difficile, surtout quand on a un corps fragile. Corto Maltese en serait presque fade à côté d'eux et ça, ça n'est pas rien. (Il faut d'ailleurs bien en profiter car Alfred, son chauffeur et ou son amant, va bientôt mourir en avion, c'est pas vraiment de chance.)
Voilà.
Deux précisions finales mesquines:
_ à ceux qui disent que Marcel est mondain je réponds qu'ils ont raison mais que j'ai sur les genoux un cube de deux kilos cinq qui est A la Recherche du Temps Perdu et qui est écrit tout petit et qu'il y a tout le reste de ses écrits qui doit peser autant et que je pense que tous les ermites du monde doivent faire des petits sauts de cabri dans leur tombe en rigolant (ils savent d'expérience qu'un véritable ermite, il peut avant d'en revenir avoir une vie un peu vivante)
_ à ceux qui ragotent, et ils ont raison, par exemple que pour parvenir à être un peu excité sexuellement, il fallait qu'on transperce des rats avec des aiguilles sous ses yeux, je réponds que c'est pas prouvé et que même si ça l'est c'est pas vraiment très grave ni très méchant et que de toute façon il porte bien la fourrure, alors...
Au fond il est sympathique parce que se dégage de lui une terrible douceur.
"De le douceur, de la douceur, de la douceur", ça c'est Verlaine, l'alcoolique qui tirait ses potes, se tirait avec ses potes, tirait sur ses potes mais avant ça prenait le temps de mettre une torgnole à sa femme et de jeter son fils, bébé, de toutes ses forces éthyliques contre le mur.
Personne n'est parfait. D'ailleurs je ne suis pas sûr de finir le gros pavé.
Pour la première fois à l'admiration fatigante et sincère s'ajoute du plaisir sans arrière pensée et c'est peut-être tout simplement parce que j'ai accepté d'y aller mollo, c'est-à-dire de relire trois fois la même page s'il le faut ou -surtout-de la sauter en m'en foutant. Mon plaisir à cette lecture c'est, textuellement, des petites pastilles qui pètent dans mon cerveau au détour de certaines phrases et qui me font dire parfois avec gravité, "putain comme il est fort ce con à dire ce que parfois je ne suis même pas certain de ressentir." Y aller mollo, oui, donc, avec des sous entendus graveleux et aucune distinction.
A part ça la seule chose à dire que j'ai à dire sur Marcel Proust c'est que je trouve qu'il est un garçon éminemment sympathique ( même si, je me l'accorde, il peut être un peu chiant, avec son côté bien élevé... et le point de la fin du chapitre tombe parfaitement et ça va bien avec les fleurs blanches que trucmuche... qu'importe il est avant tout sympathique) et ça change d'autres, je pense au grand épouvantail insortable que j'aime encore beaucoup malgré tout, M. Celine, ce gentil garçon au sourire si doux, évidemment.
De mon point de vue débile, de mon faible point de vue, la distinction homme/oeuvre n'est même pas très intéressante: je suis là pour dire que Marcel est sympathique et je m'appuie sur deux choses qui me reviennent en mémoire.
La première est le témoignage télévisuel de Céleste Albaret (sa dame de compagnie, au sens le plus chevaleresque du terme, ne dénotons pas). Ce témoignage, je ne ferai que le citer: je n'ai rien à en dire, je l'ai pas vu depuis dix ans, je ne m'en souviens presque même plus, mais il faut vraiment que mon putatif lecteur et demi aille le (re)voir sur youtube - c'est disponible, dans le désordre on dirait, c'est mal foutu, j'ai vérifié- pour être ému un peu s'il n'est pas trop insensible ou ricaner s'il est trop sensible, c'est une bonne technique de sensible, le ricanement.
La deuxième c'est une photo que je ne retrouve pas sur internet mais que j'ai dû voir chez ma mère : Marcel est sur un avion au sol avec son chauffeur, il est amoureux de lui, il paraît, et on dirait, il porte une immense fourrure et il prend l'air sérieux mais on sent qu'il est content, il a offert cet avion, ou un autre, à son chauffeur qui à l'air heureux lui aussi et Marcel Proust a l'air à la fois mignon et mac, ce qui est toujours difficile, surtout quand on a un corps fragile. Corto Maltese en serait presque fade à côté d'eux et ça, ça n'est pas rien. (Il faut d'ailleurs bien en profiter car Alfred, son chauffeur et ou son amant, va bientôt mourir en avion, c'est pas vraiment de chance.)
Voilà.
Deux précisions finales mesquines:
_ à ceux qui disent que Marcel est mondain je réponds qu'ils ont raison mais que j'ai sur les genoux un cube de deux kilos cinq qui est A la Recherche du Temps Perdu et qui est écrit tout petit et qu'il y a tout le reste de ses écrits qui doit peser autant et que je pense que tous les ermites du monde doivent faire des petits sauts de cabri dans leur tombe en rigolant (ils savent d'expérience qu'un véritable ermite, il peut avant d'en revenir avoir une vie un peu vivante)
_ à ceux qui ragotent, et ils ont raison, par exemple que pour parvenir à être un peu excité sexuellement, il fallait qu'on transperce des rats avec des aiguilles sous ses yeux, je réponds que c'est pas prouvé et que même si ça l'est c'est pas vraiment très grave ni très méchant et que de toute façon il porte bien la fourrure, alors...
Au fond il est sympathique parce que se dégage de lui une terrible douceur.
"De le douceur, de la douceur, de la douceur", ça c'est Verlaine, l'alcoolique qui tirait ses potes, se tirait avec ses potes, tirait sur ses potes mais avant ça prenait le temps de mettre une torgnole à sa femme et de jeter son fils, bébé, de toutes ses forces éthyliques contre le mur.
Personne n'est parfait. D'ailleurs je ne suis pas sûr de finir le gros pavé.
jeudi 18 novembre 2010
Temoin n° 0
Contexte: dans le cadre de la réduction des budgets alloué à l'éducation nationale, de nombreux établissements ZEP ("zone d'éducation prioritaire", actuellement appelés "ambitions réussites" avant que n'arrive un nouveau sigle encore plus cache miséreux) voient leurs moyens diminuer, notamment leur nombre de surveillants.
Témoignage: M. Paul-André L. , 30 ans et enseignant au collège Edouard M. , nous parle rapidement de son léger malaise suite à la semaine de "blocage" du collège. Les parents d'élèves- évidemment soutenus, certains auront envie de dire manipulés, par les professeurs- ont interdit tout accès à l'établissement pour obtenir de l'inspection académique des postes de surveillants supplémentaires. (Les revendications des enseignants et des parents d'élèves ont largement été relayées par la presse):
"Ce qui me dérange ce n'est même plus qu'il faille se battre pour obtenir quelque chose de nécessaire à la sécurité d'un établissement difficile, ce n'est même plus, non plus, qu'on doive interrompre la vie d'un collège pendant une semaine pour simplement obtenir des postes de surveillants archi précaires, contre les statuts desquels il faudrait justement lutter, ce n'est même plus de constater que les postes qui nous ont été alloués ont été prélevés dans un fond de réserve honteusement prévu pour ce genres de conflits, ou pire encore ont été ôtés à d'autres établissements qui en ont sûrement presque autant besoin que nous, non ce qui me dérange c'est que l'inspecteur d'académie ait trouvé nos revendications justes parce qu'il les a lues dans le journal, entendues à la radio alors que ça doit faire un an qu'on fait des grèves et qu'on lui envoie des courriers signalant que notre position est intenable et se dégrade. J'avoue que, personnellement, j'ai du mal à accepter que ce ne soit pas le juste qui compte mais que devienne juste ce que l'on fait compter."
Commentaire: le mec on lui permet d'obtenir en une semaine deux postes supplémentaires de surveillance, chose qu'il n'arrive pas à avoir tout seul en un an et il se permet de te pondre une période maladroite, suivie d'une mauvaise sentence, pour te chier à la gueule.
L'éducation nationale est bel et bien une réserve de vieux cons de tous âges...
Témoignage: M. Paul-André L. , 30 ans et enseignant au collège Edouard M. , nous parle rapidement de son léger malaise suite à la semaine de "blocage" du collège. Les parents d'élèves- évidemment soutenus, certains auront envie de dire manipulés, par les professeurs- ont interdit tout accès à l'établissement pour obtenir de l'inspection académique des postes de surveillants supplémentaires. (Les revendications des enseignants et des parents d'élèves ont largement été relayées par la presse):
"Ce qui me dérange ce n'est même plus qu'il faille se battre pour obtenir quelque chose de nécessaire à la sécurité d'un établissement difficile, ce n'est même plus, non plus, qu'on doive interrompre la vie d'un collège pendant une semaine pour simplement obtenir des postes de surveillants archi précaires, contre les statuts desquels il faudrait justement lutter, ce n'est même plus de constater que les postes qui nous ont été alloués ont été prélevés dans un fond de réserve honteusement prévu pour ce genres de conflits, ou pire encore ont été ôtés à d'autres établissements qui en ont sûrement presque autant besoin que nous, non ce qui me dérange c'est que l'inspecteur d'académie ait trouvé nos revendications justes parce qu'il les a lues dans le journal, entendues à la radio alors que ça doit faire un an qu'on fait des grèves et qu'on lui envoie des courriers signalant que notre position est intenable et se dégrade. J'avoue que, personnellement, j'ai du mal à accepter que ce ne soit pas le juste qui compte mais que devienne juste ce que l'on fait compter."
Commentaire: le mec on lui permet d'obtenir en une semaine deux postes supplémentaires de surveillance, chose qu'il n'arrive pas à avoir tout seul en un an et il se permet de te pondre une période maladroite, suivie d'une mauvaise sentence, pour te chier à la gueule.
L'éducation nationale est bel et bien une réserve de vieux cons de tous âges...
Jean A. Table
Il s'était retrouvé à table entre son hôte et son hôtesse à voir la sympathique conversation banale se transformer en débat de fond sur la façon qu'ils avaient d'élever leurs enfants, leurs divergences à ce propos. Il avait été pris à parti par l'un et l'autre, alternativement, gentiment, on en appelait à sa sagesse, sa sagesse de vieux sage. Il avait senti que quand même ça leur tenait à coeur, qu'ils pouvaient presque se disputer, qu'il n'avait pas envie qu'ils se disputent, qu'il voyait bien pourquoi chacun disait ce qu'il disait, qu'il ne pouvait pas leur donner vraiment tort, à l'un ou à l'autre, à la rigueur donner son avis, c'est à dire argumenter des deux côtés, et il avait pensé à tous ces moments où il s'était retrouvé comme ça entre ses parents, à ne pas savoir quoi dire, à simplement espérer qu'ils soient d'accord pour que la vie soit plus simple, et il avait l'impression d'avoir à peine quinze ans, douze.
Il avait pensé à ce vieux collègue qui lui avait dit presque tous les jours pendant dix ans: "comment peux tu t'entendre avec ce con?" avant que le con en question quelques minutes plus tard lui dise: "je n'arriverai jamais à comprendre que tu apprécies ce gros con", parlant évidemment du précédant.
Il avait pensé que, comme ça, il s'était retrouvé entre sa mère et sa grand-mère, disant au début que chacune avait raison, disant ensuite aux deux qu'elles avaient tort, disant de plus en plus de choses, de moins en moins; entre sa grande soeur et sa petite soeur qui aimaient bien se chamailler devant lui, entre son guitariste et son trompettiste, entre ses deux meilleurs amis, entre ses deux beaufrères, entre tous ses amis, parfois même entre son frère et certains de ses amis... Que certains des plus intimes, parfois au cours de sa vie, lui avaient gueulé dessus du genre, " putain, tu peux pas être un peu de mon côté, une fois, sans réfléchir!"
Que parfois ça lui prenait, une grande colère, et qu'il tranchait, violent, souvent en faveur de ceux qu'il aimait le plus, parce qu'il les aimait le plus, souvent en faveur de ceux qu'il aimait le moins parce qu'il était souvent plus dur avec ceux qu'il aimait le plus, mais que de toute façon, la colère retombée, il revenait en arrière.
Les rares fois où il s'était forcé à camper sur ses positions parce qu'il lui semblait qu'il le devait, ça lui avait été insupportable.
Il avait aussi pensé qu'il oscillait encore politiquement entre un discours d'extrême gauche révoltée, plutôt structuré logiquement d'ailleurs et un discours de centre droit plutôt paternaliste, pas mal structuré moralement peut-être, qu'il avait souvent lutté pour ne pas voter blanc, qu'il avait souvent voté blanc quand même, qu'il n'avait pas souvent voté de toute façon.
Pensé à sa femme, qui, la plus élégante, ne lui avait jamais dit: "il va falloir choisir -entre moi et ta famille, par exemple, entre moi et tes amis, entre ma famille et moi aussi, entre tes voyages et le fait d'avoir un enfant, entre ta solitude et ton envie d'être avec moi..." Sa femme qui n'était pas toujours très joyeuse avec lui mais qui à ce stade l'aurait obligé à dire: "oui, je sais, je suis un pauvre chou" avant qu'elle ne dise, elle, "mais, dis-moi, tu en connais du monde..."
Jean avait presque envie de pleurer, ce qui était un peu ridicule vu que le repas était délicieux, la conversation assez informelle et que surtout les larmes allaient couler dans sa grosse barbe grise de vieux loup de mer viril... la plupart des personnes auxquelles il avait pensé étaient de toute façon mortes, et souvent même de vieillesse...ou alors il ne les voyait pour ainsi dire plus.
Il avait pensé à ce vieux collègue qui lui avait dit presque tous les jours pendant dix ans: "comment peux tu t'entendre avec ce con?" avant que le con en question quelques minutes plus tard lui dise: "je n'arriverai jamais à comprendre que tu apprécies ce gros con", parlant évidemment du précédant.
Il avait pensé que, comme ça, il s'était retrouvé entre sa mère et sa grand-mère, disant au début que chacune avait raison, disant ensuite aux deux qu'elles avaient tort, disant de plus en plus de choses, de moins en moins; entre sa grande soeur et sa petite soeur qui aimaient bien se chamailler devant lui, entre son guitariste et son trompettiste, entre ses deux meilleurs amis, entre ses deux beaufrères, entre tous ses amis, parfois même entre son frère et certains de ses amis... Que certains des plus intimes, parfois au cours de sa vie, lui avaient gueulé dessus du genre, " putain, tu peux pas être un peu de mon côté, une fois, sans réfléchir!"
Que parfois ça lui prenait, une grande colère, et qu'il tranchait, violent, souvent en faveur de ceux qu'il aimait le plus, parce qu'il les aimait le plus, souvent en faveur de ceux qu'il aimait le moins parce qu'il était souvent plus dur avec ceux qu'il aimait le plus, mais que de toute façon, la colère retombée, il revenait en arrière.
Les rares fois où il s'était forcé à camper sur ses positions parce qu'il lui semblait qu'il le devait, ça lui avait été insupportable.
Il avait aussi pensé qu'il oscillait encore politiquement entre un discours d'extrême gauche révoltée, plutôt structuré logiquement d'ailleurs et un discours de centre droit plutôt paternaliste, pas mal structuré moralement peut-être, qu'il avait souvent lutté pour ne pas voter blanc, qu'il avait souvent voté blanc quand même, qu'il n'avait pas souvent voté de toute façon.
Pensé à sa femme, qui, la plus élégante, ne lui avait jamais dit: "il va falloir choisir -entre moi et ta famille, par exemple, entre moi et tes amis, entre ma famille et moi aussi, entre tes voyages et le fait d'avoir un enfant, entre ta solitude et ton envie d'être avec moi..." Sa femme qui n'était pas toujours très joyeuse avec lui mais qui à ce stade l'aurait obligé à dire: "oui, je sais, je suis un pauvre chou" avant qu'elle ne dise, elle, "mais, dis-moi, tu en connais du monde..."
Jean avait presque envie de pleurer, ce qui était un peu ridicule vu que le repas était délicieux, la conversation assez informelle et que surtout les larmes allaient couler dans sa grosse barbe grise de vieux loup de mer viril... la plupart des personnes auxquelles il avait pensé étaient de toute façon mortes, et souvent même de vieillesse...ou alors il ne les voyait pour ainsi dire plus.
Ken Pepito
Quand Ken veut toucher les points vitaux de son adversaire et que celui ci est tellement gros qu'il n'arrive pas à les atteindre, il est bien emmerdé.
Alors voilà, face à la douleur du monde, à sa violence, une seule solution: s'empiffrer de sucre, de gras, grossir, s'emmitoufler dans une couche protectrice, devenir aussi dodu, bombé qu'un pingouin, l'animal bonhomme qui réconcilie un peu avec la vie tellement il est mignon, gracieux et rigolo... Le pingouin c'est un chat, avec un bec, qui a l'élégance suprême de ne pas craindre le ridicule, et ce alors qu'en sus, j'en suis convaincu, il est capable de faire la nique aux requins. Faire la nique. Passons. A la course
Manger beurré, manger sucré, manger des produits laitiers, oh manger des pépitos, oh comme c'est mieux que boire, boire c'est boire de l'alcool, boire ça te ramène une fois de plus aux autres, tu vas leur parler, ça t'excite, au début, tu as même parfois envie d'agir, tu bois au bar mais tu manges devant ta télé, des beignets et tu les plonges dans du lait, tu te plonges dans du lait pour blanchir, c'est si pur le lait, tes cicatrices et te napper d'une aura qui t'éloigne des coups que t'assène, je sais pas moi, le réveil; manger des danettes c'est mieux que baiser, le chocolat rend heureux, baiser c'est compliqué, il faut qu'il y ait quelqu'un qu'il faut que tu le la trouve beau belle, qu'il faut qu'il elle te trouve beau belle, enfin un peu excitant, excitante, qui veuille surtout... La bouffe elle te trahit pas, tu ne la déçois pas et puis avec la bouffe pas de redescente. Quelques remontées acides mais pas de vulgarité, s'il vous plaît.
On ne peut pas en vouloir aux vieux de grossir avant de mourir, de rechercher un reste de sensualité dans une mignardise... C'est beau comme le XVIII°siècle.
Oui mais c'est Ken, le survivant, pas le gros, et on nous a appris que si notre héros aux gros sourcils parvient finalement à coup de pieds latéraux à retirer tout le gras de la bête, à la dénuder afin d'atteindre les fameux points vitaux, le médecin, le chirurgien ne parviennent pas assez facilement, rapidement, aux organes empêchés de graisses pour les sauver. Et le gros finalement meurt. T...
Oh l'horreur de s'empiffrer en pensant à la gélatine jaunâtre qui envahit nos artères, l'affreux de peser le pour et le contre.
Jeu de mot final, lichette de crème fraîche sur la soupe: leçon d'étique.
Alors voilà, face à la douleur du monde, à sa violence, une seule solution: s'empiffrer de sucre, de gras, grossir, s'emmitoufler dans une couche protectrice, devenir aussi dodu, bombé qu'un pingouin, l'animal bonhomme qui réconcilie un peu avec la vie tellement il est mignon, gracieux et rigolo... Le pingouin c'est un chat, avec un bec, qui a l'élégance suprême de ne pas craindre le ridicule, et ce alors qu'en sus, j'en suis convaincu, il est capable de faire la nique aux requins. Faire la nique. Passons. A la course
Manger beurré, manger sucré, manger des produits laitiers, oh manger des pépitos, oh comme c'est mieux que boire, boire c'est boire de l'alcool, boire ça te ramène une fois de plus aux autres, tu vas leur parler, ça t'excite, au début, tu as même parfois envie d'agir, tu bois au bar mais tu manges devant ta télé, des beignets et tu les plonges dans du lait, tu te plonges dans du lait pour blanchir, c'est si pur le lait, tes cicatrices et te napper d'une aura qui t'éloigne des coups que t'assène, je sais pas moi, le réveil; manger des danettes c'est mieux que baiser, le chocolat rend heureux, baiser c'est compliqué, il faut qu'il y ait quelqu'un qu'il faut que tu le la trouve beau belle, qu'il faut qu'il elle te trouve beau belle, enfin un peu excitant, excitante, qui veuille surtout... La bouffe elle te trahit pas, tu ne la déçois pas et puis avec la bouffe pas de redescente. Quelques remontées acides mais pas de vulgarité, s'il vous plaît.
On ne peut pas en vouloir aux vieux de grossir avant de mourir, de rechercher un reste de sensualité dans une mignardise... C'est beau comme le XVIII°siècle.
Oui mais c'est Ken, le survivant, pas le gros, et on nous a appris que si notre héros aux gros sourcils parvient finalement à coup de pieds latéraux à retirer tout le gras de la bête, à la dénuder afin d'atteindre les fameux points vitaux, le médecin, le chirurgien ne parviennent pas assez facilement, rapidement, aux organes empêchés de graisses pour les sauver. Et le gros finalement meurt. T...
Oh l'horreur de s'empiffrer en pensant à la gélatine jaunâtre qui envahit nos artères, l'affreux de peser le pour et le contre.
Jeu de mot final, lichette de crème fraîche sur la soupe: leçon d'étique.
Jeune, vieille, dent.
D'abord je dis que, d'abord je dis rien.
Sinon, on commence:
Mes visites chez le dentiste sont rares mais intéressantes, parfois même au delà de ma dentition, je me souviens par exemple de cette phrase remarquable de l'un d'entre eux: "le réel c'est la merde", ce à quoi il ajoutait qu'il le savait, il avait les mains dedans... il sous entendait au passage, je crois, qu'il n'y avait que les intellectuels pour vouloir à tout prix y retourner, au réel, mais que, sinon, un contact quotidien était largement suffisant et ne donnait pas envie d'en voir beaucoup plus... Je ne ferai aucun commentaire sur cette phrase pour l'instant parce que... parce que j'en suis incapable rapidement mais surtout parce que c'est la phrase, plus récente et moins marrante peut-être, d'un autre dentiste, nouveau, qui m'y a fait penser.
La phrase du dentiste inconnu, nouveau donc inconnu: "je crois que nous étions moins racistes avant, les bougnoules, on les insultait mais on était moins raciste." Hop hop, au détour de pas grand chose, comme ça, le matin, après détartrage, le mot "bougnoule". C'est d'ailleurs en l'entendant dans ce contexte a priori policé, beau cabinet luxueux, que, pour la première fois de ma vie, je me suis dit que, bon, c'est vrai, on sait tous que le politiquement correct c'est mal mais que parfois le politiquement nature, sans argumentaire ou complicité, ça fait bizarre, quand même.
Et, la suite de la conversation ayant été vague -ça, ça veut dire que j'ai pas dit grand chose sur le mot bougnoule en temps et lieu, à part peut-être une petite allusion mollement ironique - je me vois obligé de revenir sur le mot avec deux interprétations possibles: soit dans un éclair de génie mon nouveau dentiste se mettait en danger en citant les mots qu'il utilisait quand il était enfant et/ou jeune homme tout en montrant avec violence comment sa génération et son milieu avaient pu être verbalement agressifs et le dénonçait, soit il ne réalisait toujours pas, tout simplement. Evidemment un peu des deux mais surtout de la deuxième car la suite de la conversation prouva, sans qu'il décrie réellement cet état de fait, qu'il pensait qu"'on" était plus raciste maintenant dans la mesure où il fallait se tenir, tenir son langage, et que cela provoquait une certaine rancoeur, du style :"je t'aime bien mais maintenant que je ne peux plus t'insulter gentiment, user d'une moquerie condescendante ou quoi que ce soit de ce genre, ça m'oblige à faire un effort qui me coûte et du coup, je t'avoue, tu me fais un peu chier."
C'est peut-être là qu'on voit bien, tarte à la crème, comment le racisme est, aussi, bien social puisque "je t'aime bien" c'est tant que tu es mon inférieur, épicier, maçon mais ne t'avise pas de vouloir avoir à peu près la même chose que moi; c'est peut-être là qu'on voit que cet homme assez lucide pour dire aussi que ça avait été exactement la même chose avec les italiens en leur temps et allant jusqu'à dire, ce qui peut aussi se discuter si vous voulez, qu'il ne faut pas croire qu'il y ait un problème particulièrement maghrébin (voilà enfin un mot politiquement correct) en France, cet homme qui au final déplore le racisme ambiant, n'arrive pas malgré tout à se séparer de certains mots -ou n'arrive pas à faire en sorte que j'en saisisse la dimension hypocoristique, oui monsieur, oui madame.
C'est là qu'on ajoute que c'est peut-être pas génial qu'en France les anciens jeunes soient définitivement plus nombreux que les nouveaux jeunes, encore que, ils sont un peu débiles ces jeunes, avec leur internet, leur paresse et puis...Stop.
Ah, si, je crains malgré tout que, dans le doute, mon nouveau dentiste soit déjà mon ancien dentiste... quoi que ce ne soit pas non plus pas vraiment sûr. Il est vraiment pas loin.
Sinon, on commence:
Mes visites chez le dentiste sont rares mais intéressantes, parfois même au delà de ma dentition, je me souviens par exemple de cette phrase remarquable de l'un d'entre eux: "le réel c'est la merde", ce à quoi il ajoutait qu'il le savait, il avait les mains dedans... il sous entendait au passage, je crois, qu'il n'y avait que les intellectuels pour vouloir à tout prix y retourner, au réel, mais que, sinon, un contact quotidien était largement suffisant et ne donnait pas envie d'en voir beaucoup plus... Je ne ferai aucun commentaire sur cette phrase pour l'instant parce que... parce que j'en suis incapable rapidement mais surtout parce que c'est la phrase, plus récente et moins marrante peut-être, d'un autre dentiste, nouveau, qui m'y a fait penser.
La phrase du dentiste inconnu, nouveau donc inconnu: "je crois que nous étions moins racistes avant, les bougnoules, on les insultait mais on était moins raciste." Hop hop, au détour de pas grand chose, comme ça, le matin, après détartrage, le mot "bougnoule". C'est d'ailleurs en l'entendant dans ce contexte a priori policé, beau cabinet luxueux, que, pour la première fois de ma vie, je me suis dit que, bon, c'est vrai, on sait tous que le politiquement correct c'est mal mais que parfois le politiquement nature, sans argumentaire ou complicité, ça fait bizarre, quand même.
Et, la suite de la conversation ayant été vague -ça, ça veut dire que j'ai pas dit grand chose sur le mot bougnoule en temps et lieu, à part peut-être une petite allusion mollement ironique - je me vois obligé de revenir sur le mot avec deux interprétations possibles: soit dans un éclair de génie mon nouveau dentiste se mettait en danger en citant les mots qu'il utilisait quand il était enfant et/ou jeune homme tout en montrant avec violence comment sa génération et son milieu avaient pu être verbalement agressifs et le dénonçait, soit il ne réalisait toujours pas, tout simplement. Evidemment un peu des deux mais surtout de la deuxième car la suite de la conversation prouva, sans qu'il décrie réellement cet état de fait, qu'il pensait qu"'on" était plus raciste maintenant dans la mesure où il fallait se tenir, tenir son langage, et que cela provoquait une certaine rancoeur, du style :"je t'aime bien mais maintenant que je ne peux plus t'insulter gentiment, user d'une moquerie condescendante ou quoi que ce soit de ce genre, ça m'oblige à faire un effort qui me coûte et du coup, je t'avoue, tu me fais un peu chier."
C'est peut-être là qu'on voit bien, tarte à la crème, comment le racisme est, aussi, bien social puisque "je t'aime bien" c'est tant que tu es mon inférieur, épicier, maçon mais ne t'avise pas de vouloir avoir à peu près la même chose que moi; c'est peut-être là qu'on voit que cet homme assez lucide pour dire aussi que ça avait été exactement la même chose avec les italiens en leur temps et allant jusqu'à dire, ce qui peut aussi se discuter si vous voulez, qu'il ne faut pas croire qu'il y ait un problème particulièrement maghrébin (voilà enfin un mot politiquement correct) en France, cet homme qui au final déplore le racisme ambiant, n'arrive pas malgré tout à se séparer de certains mots -ou n'arrive pas à faire en sorte que j'en saisisse la dimension hypocoristique, oui monsieur, oui madame.
C'est là qu'on ajoute que c'est peut-être pas génial qu'en France les anciens jeunes soient définitivement plus nombreux que les nouveaux jeunes, encore que, ils sont un peu débiles ces jeunes, avec leur internet, leur paresse et puis...Stop.
Ah, si, je crains malgré tout que, dans le doute, mon nouveau dentiste soit déjà mon ancien dentiste... quoi que ce ne soit pas non plus pas vraiment sûr. Il est vraiment pas loin.
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