lundi 16 février 2015

STU 6 thématiquement

Prologue
Ma dernière chronique non stuienne (Stu3) parlait très indirectement et plus qu'allusivement de la disparition des corps, celle de ceux des dessinateurs de Charlie Hebdo notamment, et de la façon dont on peut gèrer la disparition du corps dans l'écriture.

Pour très vite passer à autre chose et être d'accord avec une des raisons pour lesquelles Laurine (lien en bas à droite, yourte weldom, gueurl) a quitté les lieux facebookiens je considère moi aussi que cette disparition du corps peut y devenir inacceptable et très dérangeante... Discuter avec des gens sans voir leurs yeux ou leurs mains - rouler des clopes avec douceur ou découper des patates extrêmement brutalement... déjà que la disparité entre publication et commentaire et la dimension publique de la discussion pose les bases d'une conversation bien déséquilibrée...

Mais je vais continuer comme j'ai commencé,
écrire mes articles de blog et les mettre en lien.
Pour faire de la pub comme un connard?
Oui, sûrement,
tu parles, comme c'est efficace,
mais surtout pour honorer une promesse intenable que je m'étais faite : arriver au chapitre 50 des chroniques du Stu. Le chapitre L en latin, "Large" en tshirt.
Putain je vais jamais y arriver.

Fin du prologue.
Go
J'ai 36 ans pour quelques jours encore j'ai 38,5 de fièvre depuis trois jours... j'ai un peu chaud. J'ai passé les 96 dernières heures enfermé dans un camion et dans mon appartement. Je suis sorti du camion pour garder la place où Guillaume allait le garer. J'en suis aussi sorti pour jouer 50 minutes dans un bar avec le STU. J'ai eu un regain de forme qui m'a permis de sortir 4h avec mes amis après le concert.
Je me suis pas mal amusé et ai oublié l'état général de la maison.
Il faut avouer que ce regain de forme était lié certes à la tension nerveuse inhérente au fait de jouer sur scène (une scène de trois mètres carrés soit dit en passant mais ça suffit largement) et  à la détente joyeuse qui y succède
mais surtout à quelques litres de rhum.
-Oui autant la dernière fois c'était les points de suspension là c'est les passages à la ligne.
Six thématiquement
"Je bois systématiquement pour oublier les amis de ma femme."
Boris.
Huit.
Six.
Oui je le constate, je l'affirme, je l'assume: je ne crois pas qu'il y ait une chronique stuéenne, oui on peut dire stuéenne et stuienne, on peut même dire Stu Ellen, qui ne parle pas, incidemment, d'alcool.
Pourtant la dernière fois qu'on est allé à Bordeaux on n'a pas bu.

La preuve, je n'ai pas grand chose à en dire.

Images du trajet: je conduis le camion de Manu. A ma droite: Christophe, hyper stressé. Derrière: des covoitureurses qui se demandent pourquoi on a le visage fermé, pourquoi on dit rien, pourquoi le mec qui a commencé en souriant et affirmant qu'il roulait toujours presque lentement est à 130-140 sur la file de gauche alors que ça semble encore plus ronger son camarade. Arrivée à Toulouse, on récupère Guillaume, extrêmement enjoué pendant 1mn. Il prend le volant et conduit à fond sur la file gauche. Christophe et moi ne disons pas un mot. Quelques grognements. On arrive à Bordeaux. On lâche les covoitureurses et on récupère Manu qui fait une blague. Nous le regardons tous les trois d'une oeil torve. Il dit un truc du genre "et bê belle ambiance", il n'ajoute pas que lui aussi ça lui fait plaisir de nous voir et qu'il serait presqu'en train de regretter ses six heures de trajet pour descendre de Paris ou de Nantes mais comme il sent qu'il ne lui sera rien répondu ni de négatif ni de positif, simplement des regards noirs, il ferme sa gueule. Il doit quand même siffler. Histoire qu'on sente bien qu'il ferme sa gueule.
Dès qu'on est garé Guillaume se casse. Officiellement pour visiter. Les quais, n'importe quoi. Va pas te jeter dans l'eau. Comme Christophe a le dos tourné on se dit avec Manu que ça doit être plus pour éviter de commettre un meutre qu'autre chose... ça nous fait un peu sourire.

Le concert: quatre personnes dans le public dont trois membres de l'autre groupe et le patron de la salle qui fait le son en buvant des 8.6.
Le concert de l'autre groupe: c'est hyper violent pour des gens épuisés et désolés. On n'arrive pas trop à rester les regarder, écouter, on tourne un peu... On voudrait aller se coucher. C'est un peu la honte. Le patron de la salle qui en est à sa dixième 8.6 et sa copine doivent nous loger chez eux. Ils nous ont superbement fait à manger, on est confiant. Alors après le deuxième concert on remonte tous, on discute tous, on se dit qu'on va aller se coucher, le patron dit: "oh, on ira tous ensemble, on a le temps de boire quelques verres, les gars. " On dit déçu mais je te jure ça se voit pas: c'est vrai, il a raison.
C'est un surhomme: avec ses 8.6 il fume des joints qui sont épais comme ma cuisse (j'ai fait du judo). On papote tous tranquillement, Christophe s'est couché sur une banquette du bar.
A la quatorizième 8.6, il est trois quatre heures du mat, on va se coucher et là, Guillaume: "Manu, passe moi les clefs du camion je vais pas dormir là-bas, je peux pas"... je vais dormir merveilleusement dans le camion.
Comme Manu sait que c'est impossible de le convaincre de venir dormir avec nous - c'est soit dit en passant plutôt abherrant d'aller dormir dans le camion vu la température extérieure - il lui dit qu'il a laissé les clefs du véhicule dans le sac à dos qui est au fond du bar fermé à double tour. Je souris même pas, tellement j'imagine qu'il est possible que Guillaume comprenne que Manu ment et je sais comme Manu que si on veut faire d'autres concerts il vaut mieux que Guillaume ne dorme pas dans le camion mais avec nous quoi que cela lui coûte, le pauvre chou. Notre piégé est pâle comme un linge, hésite à appeler des hôtels, ne le fait pas, se balance d'un pied sur l'autre et se couche dans un dortoir mi film d'horreur mi coulisse de théâtre en faillite au XIXème siècle (ce qui est souvent le décor d'un film d'horreur) au dernier étage d'un immeuble dans le plus petit des couchages car il sait que personne ne pourra l'y rejoindre tandis que Christophe et moi prenons les lits superposés en métal de la Ruhr et que Manu se sacrifie en prenant un des lits deux places dans lequel le rejoindra un des membres de l'autre groupe quand ils auront fini de faire la fête à l'étage inférieur avec nos hôtes, les cinq ou six chats des lieux et les neuf ou dix bouteilles d'alcool blanc qui les y attendent. Je ne peux m'empêcher d'éclater de rire (le décor évoquerait presque à ce moment la tour où loge Merlin au château de Walt Disney ou bien la maison parisienne en ruine où jouent les aristochats - avec des odeurs en plus quand même) lorsque je vois Guillaume sur le dos en position de vampire, il tique, je dis que j'ai un peu l'impression d'être en colo il répond:
"Putain, j'ai quarante ans, moi, j'ai passé l'âge de ces conneries."
Comme on avait rien à faire d'autre on a dû rire comme des cons pendant un quart d'heure. Répéter sa phrase, rire pendant un quart d'heure, répéter encore sa phrase, rire pendant un quart d'heure...
Je crois que que quelques quart d'heure plus tard, lorsqu'un mec de l'autre groupe est monté en se cognant et en riant pour se coucher dans notre colonie et qu'il a sagement battu en retraite et dormi dans le salon parce que Christophe lui a hurlé dessus d'une voix sifflante de nous foutre la paix, je crois que Guillaume a failli se lever pour serrer son chanteur préféré dans ses bras.
C'est tout.
Ah oui au retour on a laissé Guillaume à Toulouse et Manu à Nîmes. On y a passé la soirée tous les trois avec Joan et chez Joan et le lendemain avec Christophe on est reparti vers Marseille.
Lui et moi étions plus que grisâtres et puants mais on a réussi à faire rire- un peu nerveusement malgré tout - les covoitureurses que nous avait prévu Guillaume.

A Nîmes on a un peu bu, trop, j'ai même failli me battre avec un barman, ou me faire tabasser, au choix, qui refusait de me servir encore une fois... ça ne m'arrive qu'à Nîmes. Nîmes est une ville violente.

PS1: même maintenant Guillaume n'a pas quarante ans.
PS2: les 44 chroniques suivantes seront sûrement des haïkus.