mardi 25 novembre 2014

(Tambouille)

Tambouille. Le Stu 6 est en route.
En attendant, arrière-cuisine, pépère, léger, entre deux verres (peut faire encore un peu branlette narcisse, je préfère prévenir... pour le voyageur égaré... passez prévenus sans cracher dans ma soupe)

Ingrédients.
Il faut distinguer les ingrédients involontaires et les ingrédients volontaires.

Ingrédients involontaires.
En 2010 je relis Alcools du Patrollinaire et soudain: la première strophe de "Merlin et la vieille femme",
"Le soleil ce jour-là s’étalait comme un ventre
Maternel qui saignait lentement sur le ciel
La lumière est ma mère ô lumière sanglante
Les nuages coulaient comme un flux menstruel"

...me rappelle quelque chose.
Ah oui: un des premiers "quatrains", que j'ai jugé vaguement sortable, commis par mi- et de cuisine:
Je le livre éhontément:
"Ce rougeaud de soleil qui déverse ses tripes
Dans la mer bleu nuit aux pâles fourreaux d'argent
Cet astre lumineux auquel la vie s'agrippe
Part et commence la nuit attendue si longtemps."

ça se ressemble un peu, hein?
Totale stupeur de ma part en 2010. Aucun décalque, aucun souvenir.
Mais pour être parfaitement sincère il faut préciser que la première fois que j'ai lu consciencieusement et en entier Alccols c'était pour le bac de français et c'était en 1995.
... Le quatrain tiré de "Coucher antillais", original comme titre, et bê je l'ai écrit en 1995 aussi
AH!
Ah ouais...
Evidemment...
Tout est clair, plagieur... Mais non, je jure, ou alors: inconscient.
Plagiste.
- Ce serait presque le moment de placer l'argument goebbelsien de Courtney Love quand on l'a accusée d'avoir fait écrire son album par son mari: s'il avait participé, il aurait été dix fois meilleur.
Solide.

Ingrédients volontaires:
parfois je parodie un peu, pour la maison, pour m'amuser, et le mot parodie n'est pas le plus juste, j'utilise, je clind'oeile, je fais mijoter, je m'entraîne, et puis ça marche: souvent ça m'amuse.
Exemple:
un truc de Verlaine -on voit que c'est l'écriture contemporaine qui me nourrit.

Le vieux malade d'abord:                                         Le jeune con copieur:
"Les donneurs de sérénade                                   "Les donneurs de coups de bite
Et les belles écouteuses                                          Et les belles nyctalopes
Echangent des propos fades                                   Se font passer des mayos frites
Sous les ramures chanteuses[..]                              Sous la lueur des stroboscopes[...]
Tourbillonnent dans l'extase                             Les jeans, bleus, des garçons et des filles
D'une lueur rose et grise,                                        Caracolent dans le bruit
Et la mandoline jase                                               Des instruments sournois et moqueurs
Parmi les frissons des brises"                                 Et la guitare basse jazze
                                                                                Un bon vieil air bien racoleur."
                                                     Indaclub.

Deuxième exemple, il est rigolo, et un peu différent dans le mécanisme de transformation:
Pas Parodie de "Becassine" de Brassens mais utilisation de "Bécassine" de Brassens :
"Sous la coiffe de Bécassine                         " Certains se cassent en Indochine
Un champ de blé prenait racine                       Pour y donner des coups de pine
Ceux qui cherchaient la toison d'or                 De gros et joyeux gars du Nord
Ailleurs avaient bigrement tort "                     Vont défoncer de petits corps."

Fin.
Délicat car
L'essentiel:
Au delà des ingrédients quand j'ouvre mes vieux cahiers je retrouve autre chose (à l'origine je les ai ouverts pour retrouver la parodie de Verlaine dont je ne me souvenais plus trop, uniquemet de "donneurs de coups de bites", "mayos frites" et "jazze" à vrai dire, et je suis remonté de carnet en carnet comme un petit saumon, ohoh) je vois un de mes premiers poèmes gardés, extrêmement lointain et je constate que je l'écris dès que je sors d'une certaine enfance, que dans ce texte ancien, j'y raconte la perte d'une naïveté, l'ébahissement que provoque le fait de découvrir un peu comment fonctionne le monde - sur ce coup précis la petite hypocrisie qui ne porte pas à conséquence mais qui surprend l'enfant qui croit que tout le monde s'aime et que tout le monde se sourit sans se forcer, ou ne se sourit pas.
Et je me dis que, hop, tout de suite que, protection, je sors mes jouets pour compenser mais comme c'est un peu ridicule et que je suis orgueilleux, hop j'utilise le langage de "façon poétique", à suivre la distinction du mec, un critique dont je ne me souviens plus, le nom, qui disait que le poète joue avec les mots comme un enfant alors que le romancier tel un adulte affronte le monde.
C'est un peu débile comme théorie. C'est une théorie de vieux. Ou d'enfant qui croit que l'adulte existe.
Simple et Sénile.

Et quels fruits de tant de fleurs, et quels fruits de tant de fêlures?
Peut-être que les ingrédients involontaires c'est, le temps passant, le tour de main, dont il faut se méfier comme de tout?
Peut-être, oui.
Parler d'or et mettre l'argent
Dans la main.
Putain c'est tendu

Retenir la paradoxale naïveté.

Et Apo il en fait pas trop?
Non il en fait pas trop


Ps: comme j'ai parlé que de vieux cons, je mets ce lien.
A la fin de sa vie Gainsbourg, plus il disait des conneries plus il avait l'impression de dire des choses intelligentes, le genre de mec qu'en plus il s'autocite, quoi, tyasu, le malade, mais dans cette interview il tient presque la route. Je ne déteste pas ce qu'il dit sur le post mortem.

https://www.youtube.com/watch?v=PuNx4r1umUU

jeudi 6 novembre 2014

STU 5: bagnoles : 5 places

Nous allions à Eygalières.
Nous avions loué un camion, énorme, au fond de la soute duquel l'ampli fender, l'ampli vox, l'ampli basse, la batterie et les guitares semblaient minuscules.
A l'allée Manu conduisait, le camion avait été loué avec les papiers de Christophe et va savoir pourquoi Manu n'avait pas le droit de conduire... il avait dû perdre tout ses papiers, et Christophe était un peu stressé par ça...il soufflait contre la vitre latérale en battant mécaniquement de l'épaule, verdâtre, alternant les sifflements haineux contre les automobilistes et les: putain, je te fais confiance Manu, j'ai confiance en toi Manu, je sais qu'il va y avoir aucun pb, t'inquiète pas, j'ai confiance... Je crois que dès la première halte sur une aire, il était passé rapidement à l'arrières se détendre et nous détendre, passé à côté de Guillaume et Florent avec qui il avait pu faire des blagues de cul et rire hyper fort.
Oui Florent était là, il avait un paquet de MMs et une bouteille d'eau et Guillaume, ravi d'avoir un être un peu nouveau avec lui, lui expliquait ce qu'il tapait sur Google.

Nous allions à Montpellier.
On avait pris la Xsara, grise, ma voiture qui n'était pas à moi et notre voiture de base. La base. La basse sur les genoux à l'arrière de Christophe, Manu et Stéphane, les instruments prenaient toute la place. Sur la basse une bouteille de mousseux, quand même.. Maintenant je ne sais plus si c'était Guillaume à l'avant, avec moi qui conduisais ou Christophe. Je revois bien Guillaume disant, passez-moi la bouteille de mousseux avant que vous la finissiez, que j'en passe un peu à Paulandré, Manu lui demander goguenard, et toi t'en bois pas? et Guillaume, oh, oh non, non, moi ça me dégoûte le mousseux, il est hors de question que je touche à ça... vous allez avoir un de ces mal de tête. Oui je m'imagine bien en train de gueuler sur Guillaume pour qu'il ne finisse pas la bouteille et qu'il m'en laisse un peu... mais je ne voudrais pas que ce soit trop caricatural non plus.

Quand nous sommes arrivés, Florent nous a aidé à décharger le matériel... tandis que nous frôlions la crise d'angoisse collective, la remise en question permanente pour nous détendre et gagner du temps il accorda même les guitares (Christophe et moi qui n'étions pas sûrs que le public soit sensible à la simplicité rustique de notre jeu de guitare après les essais de Florent ça nous a ému mais ça nous a pas beaucoup détendu... On a dû boire un verre de blanc tous les 5 pour "refaire les niveaux.")
Quand nous sommes arrivés, Stéphane nous a aidés à décharger le matériel et un ampli à la main il s'est jeté sur le barman, en lui en disant mort de rire, ouais, je suis membre de Le Stu, on est 5 et on veut bien une bière chacun et pour moi ça sera une pinte, je suis crevé, mon beau, haha. (C'est là qu'assassin je précise que quelques heures plus tard pendant qu'on jouera dans la salle au sous-sol il restera au bar à discuter avec un pote.)

Je sais même plus si on est rentré directement d'Eygalières ou si on a dormi là-bas mais je me souviens qu'au retour de Montpellier, dans la nuit, j'étais à la place du mort, bavais un mélange de whisky et de bière sur la vitre latérale, tandis que Guillaume conduisait d'une main de maître, pas de panique les gars, je vous ramène, on va faire un beau dodo à la maison. Manu répétait: je vais crever, je vais crever, je vais crever, il faut que je fasse quelque chose. Il avait imposé un arrêt sur une aire et s'était rué dans le "market", bu un café et une canette de redbull cul sec en moins de dix secondes et s'était jeté, blotti à l'arrière de la voiture en disant, putain, je peux enfin dormir. Et quand Stéphane, qui était entre temps allé pisser, avait proposé un pack, de prendre un pack de bière pour la suite de la route, Christophe et moi, surtout moi, avions gémi: non... Manu n'avait rien répondu: il dormait comme une masse.
Un peu déçu, il s'était foutu de nous avec Guillaume qui reprenait une clope et le volant.

Je signale au passage qu'entre les deux allers-retours des amplis grillèrent mais surtout que pendant que Manu essayait de me convaincre qu'il fallait que je me fasse un tatouage de taulard sur l'avant-bras, stylo bille et preuve à la main comme à l'appui, Christophe, Stéphane et moi parlions de nos pères, de nos mères, des enfants, de la liberté, de l'angoisse pendant que Florent, Christophe, Guillaume, Manu et moi nous taisions pudiquement sur le rapport à la vie, à la mort, à l'amour et à la liberté...
ça fait encore plus alcoolique, mais je le dis.
Et c'est pas trop grave si ça fait patient récurrent de pédopsychiatre: vu tout le fric que les généreux et généreuses mécènes d'Eygalières nous ont donné, et ce malgré les hurlements et les menaces d'une vieille dans le public dès qu'on a touché nos instruments, on peu encore un peu le payer, le pédopsychiatre.

PS: tout me revient maintenant, ni on n'avait dormi à Eygalières, ni on n'était rentré à Marseille: on était passé chez la mère de Manu, y'avait du vent, des arbres, des voûtes, de l'accueil, c'était très bien.